Titre |
Formation et reformation en intubation difficile Intubation difficile : bilan des formations |
Auteur |
Bourgain JL, Cros AM |
Service d’anesthésie , Institut Gustave Roussy, 94800 VILLEJUIF |
Parce que l’intubation est l’une des premières causes de mortalité et de morbidité d’origine anesthésique, plusieurs sociétés savantes (ASA, SFAR ...) en ont fait une action prioritaire. En France, une conférence d’experts a été réunie en 1995 sur ce sujet. Si le texte court a été publié en 1996 [1], les textes longs ne l’ont pas été. Cette conférence a préconisé la détection préopératoire de l’intubation difficile et l’utilisation d’algorithme d’intubation et de maintien de l’oxygénation. Par ailleurs, elle a fortement encouragé l’organisation de formation sur ces techniques.
La réalisation de cette tâche s’est heurtée à plusieurs difficultés :
L’intubation difficile n’étant pas toujours prévisible, le public concerné est l’ensemble des anesthésistes. Le nombre de personnes à former est donc élevé.
L’absence de coordination nationale laissait la possibilité d’enseigner des techniques marginales souvent non validées.
L’apprentissage des techniques étant important, la solution la mieux adaptée est l’atelier restreint. A raison de 12 participants par atelier, il aurait fallu organiser plus de 400 formations pour toucher l’ensemble des praticiens anesthésistes. Cette tâche ne pouvant être effectuée par les seuls experts du fait de leur faible nombre, la formation de formateurs a semblé une méthode adaptée.
1. Formation
1.1 Contenu
La première matinée est consacrée à l’exposé didactique de la prise en charge des voies aériennes : épidémiologie, prédiction, pré oxygénation, techniques classiques d’intubation et réactivité des voies aériennes.
Le premier après midi est consacré à la description des techniques les plus fréquemment mises en œuvre au cours de la prise en charge de l’intubation difficile (fibroscopie, fastrach, ventilation transtrachéale). Un exposé aborde le problème de l’extubation des patients difficiles à intuber. En fin de journée, des cas cliniques viennent illustrer ces exposés et présentent quelques difficultés rencontrées dans la pratique.
Le lendemain, le principe et la rédaction des algorithmes décisionnels sont abordés : algorithme d’intubation difficile prévue et non prévue, algorithme d’oxygénation difficile prévue et non prévue et prise en charge de l’intubation difficile extra-hospitalière. D’autres situations cliniques particulières sont abordées (pédiatrie, obstétrique, ORL, réanimation).
Au cours des ateliers, les techniques d’apprentissage sur mannequin de la fibroscopie, du fastrach et de la ventilation trans-trachéale sont réalisées.
1.2 Participants
Le choix initial ayant été la formation de référents, le courrier sollicitant les inscriptions a été envoyé aux chefs de service d’anesthésie (hôpitaux publics et privé et quelques cliniques). En pratique, ce sont ces chefs de service qui désignent le ou les personnes devant prendre en charge le problème de l’intubation difficile dans leur structure de soins.
1.3 Support de la formation
Un polycopié a été remis à chaque participant dès le début de la formation. Au décours de la formation, nous nous sommes engagés à fournir l’iconographie présentée par les différents conférenciers. La distribution de ces documents sous forme de diapositives s’est heurtée à des difficultés financières et logistiques ; l’impression d’un CD Rom a permis de régler ce problème.
2. Résultats
Sept formations ont été organisées : 4 à Bordeaux et 3 à Villejuif. Elles ont permis la formation de 82 médecins. La répartition géographique est assez homogène ; trois régions n’ont pas encore envoyé de référents (tableau I).
Alsace 2 Lorraine 2
Aquitaine 9 Midi-Pyrénées 7
Auvergne 3 Nord 3
Bourgogne 2 Normandie 1
Bretagne 5 Pays de la Loire 4
Centre 3 Poitou-Charentes 2
Franche comté 1 Provence-Côte d’Azur 2
Ile de France 23 Rhône-Alpes 3
Languedoc 3 Suisse 2
Limousin 2 DOM TOM 1
Belgique 1
Après une première formation où la formule a été expérimentée, les évaluations de la formation par les participants ont été plutôt favorables. La notation plus faible des cas cliniques traduit la difficulté à trouver une formule adaptée (tableau II).
Tableau II : Evaluation des différentes sessions au cours des quatre formations
Formation théorique (notation sur 4)
|
01/99 |
06/99 |
02/00 |
06/00 |
03/01 |
06/01 |
Anatomie des VAS Epidémiologie Signes prédictifs Oxygénation Techniques standards Réactivité des VAS |
3,6 2,4 2,6 3,4 3,1 2,8 |
3,5 2,8 2,9 3,6 3,3 3,7 |
3,6 3,7 3,6 3,4 3,4 3,3 |
2,8 3,1 3,4 3,7 3,8 3,6 |
3,4 3,4 3,7 3,4 3,4 3,2 |
3,2 3,4 3,5 3,6 3,3 3,5 |
Formation pratique (notation sur 4)
|
01/99 |
06/99 |
02/00 |
06/00 |
03/01 |
06/01 |
Fibroscopie Fastrach Ventilation transtrachéale Algorithme bloc Algorithme urgence Extubation |
3,1 3,2 3,1 3,5 2,2 -- |
3,4 3,7 3,7 3,5 3,2 3,2 |
3,8 3,5 3,2 3,4 3,0 3,2 |
3,6 3,8 3,5 3,4 -- 3,6 |
3,6 3,7 3,4 2,9 3,7 3,3 |
3,5 3,5 3,8 3,3 2,6 3,6 |
Résultats globaux (notation sur 4)
|
01/99 |
06/99 |
02/00 |
06/00 |
03/01 |
06/01 |
Formation générale Techniques Ateliers Cas cliniques Total (score = 16) |
2,98 3,02 2,60 ND 8,60 |
3,30 3,47 3,75 2,80 13,32 |
3,50 3,35 3,30 2,50 12,65 |
3,40 3,58 3,22 2,70 12,90 |
3,39 3,44 |
3,42 3,38 3,73 3,22 13,75 |
ND = non disponible
72% des participants projetaient l’organisation d’une formation locale ou régionale et 92% souhaitaient une réactualisation de la conférence d’expert de 1996. En revanche, 40% d’entre eux émettaient le souhait de participer aux ateliers pratiques organisés au cours du congrès annuel de la SFAR en septembre.
Un questionnaire a été envoyé aux participants en Octobre 2000. 36 réponses ont été obtenues. Les techniques utilisées avant la formation sont décrites au tableau III et correspondent aux chiffres d’autres enquêtes comparables [2,3].
Les pratiques cliniques ont été modifiées sur le plan individuel pour 57 % des participants, au niveau du service pour 69% et au niveau de l’hôpital pour 66%.
Des formations ont été organisées au niveau du service par 29 référents (83%), au niveau de l’hôpital par 21 référents (60%) et au niveau régional par 10 référents (29%). La population formée incluait des DES dans 74 % des formations, des médecins anesthésistes dans 74% et des IADE dans 69%. Des diapositives ont été utilisées dans 60% des formations et le polycopié dans 51%. 14% des référents n’ont utilisé ni l’un ni l’autre. Enfin, 69% des référents ont actuellement des projets en cours dans ce domaine.
Tableau III : Techniques d’intubation utilisées avant la formation par le référent et introduites ultérieurement dans le service ou dans l’hôpital. Les chiffres entre parenthèses sont le pourcentage de réponses positives sur le nombre de réponses reçues.
Technique N° réponse positive Nouvelles techniques introduites
(n) (n)
Fibroscopie 26 (76%) 6 (17%)
Fastrach 17 (49%) 19 (54%)
Masque laryngé 11 (31%) 0
Mandrin souple 9 (25%) 5 (14%)
Ventil. trans-trachéale 7 (21%) 5 (14%)
Trachlight 5 (15%) 0
Divers 1 (3%) 5 (14%)
Dans cette enquête à distance, les référents confirment l’intérêt de la mise à disposition des documents pédagogiques et de la réactualisation de la conférence d’experts. Ils souhaitent une standardisation des pratiques cliniques et la création d’une banque de cas cliniques.
3. Etat des lieux actuel
Une réunion de tous les référents a été organisée en Décembre 2000 à Nantes. Le nombre de participants à la réunion était 46 (dont 7 représentants de l’industrie) pour 52 personnes convoquées. (Nombre d’excusés : 2).
Au cours de la réunion du 7 décembre 2000, plusieurs expériences ont été présentées (Angers, Brest, Créteil, Dijon, Grenoble, Marseille, Nancy, Nantes, Strasbourg et Toulouse). Le tableau IV résume les différentes formations qui ont été organisées en coordination avec la formation des référents à l’intubation difficile. Le public est large : médecin anesthésiste, DES, IADE ; le nombre de personnes formées apparaît encore assez faible et justifie la poursuite des efforts. La grande diversité des moyens pédagogiques utilisés prouve l’implication importante des anesthésistes dans ce domaine et la difficulté de cet enseignement. La confrontation de ces expériences est très utile dans la mesure où elle permet d’ouvrir le débat sur les difficultés à enseigner certaines techniques (fibroscopie du fait de la difficulté du geste et ventilation trans-trachéale du fait de la rareté des indications).
4. Perspectives
Les perspectives de ce projet s’inscrivent dans :
- L’extension de ces méthodes d’enseignement à la formation initiale des DES et des DIS.
- La réactualisation de la conférence d’experts.
- La poursuite de la formation aux techniques d’intubation difficile sous toutes les formes préalablement décrites : formation nationale de référents, ateliers lors du Congrès National de la SFAR, formations régionales
- L’équipement des structures hospitalières (chariot d’intubation difficile).
Bibliographie
1. Boisson-Bertrand D, Bourgain JL, Camboulives J et al. Intubation difficile, expertise collective. Ann Fr Anesth Réanim 1996,15 : 207-14.
2. Avargues P, Cros AM, Daucourt V, Michel P. Procédures utilisées par les anesthésistes réanimateurs français en cas d’intubation difficile et impact de la conférence d’experts. Ann Fr Anesth Réanim, 1999, 18 : 719-24.
3. Rosenblatt WH, Wagner PJ, Ovassapian A, Kain ZN. Practice patterns in managing the difficult airway by anesthesiologists in the United States. Anesth. Analg,1998, 87 : 153-7.